À l'origine, il était connu sous l'appellation de mont
Tombe. Il devait s'y trouver une pierre ou un monument mégalithique destiné à
un culte païen, auquel succédèrent deux oratoires, l'un dédié à saint
Symphorien, l'autre à saint Étienne, édifiés par des ermites aux VIe et VIIe
siècles, ainsi que le rapporte la Revelatio ecclesiae sancti Michaelis
archangeli in Monte Tumba18. A la suite de cette première christianisation du
mont Tombe, fut érigé un oratoire en l’honneur de l’archange saint Michel en
708 (709 pour la dédicace), comme l'indiquent les Annales du Mont-Saint-Michel
rédigées au début du XIIe siècle. Aubert, évêque d'Avranches, installa sur le
site une communauté de douze chanoines pour servir le sanctuaire et accueillir
les pèlerins. C'est à cette époque que le mont accueillit, à l'est du rocher,
les premiers villageois qui fuyaient les raids vikings19. Ce premier habitat a
dû abriter les différents corps de métier nécessaires à l'édification du
premier sanctuaire : tailleurs de pierre, maçons, tâcherons et charpentiers.
Puis il a dû accueillir les laïcs chargés d’approvisionner la communauté
religieuse. « Malgré les nombreuses reconstructions qui ont, petit à petit,
façonné le bourg que nous connaissons aujourd'hui, le noyau primitif du village
demeure encore perceptible : il correspond en effet à une zone caractérisée par
une organisation parcellaire relativement complexe et un enchevêtrement de
constructions desservies par des ruelles tortueuses »20. Il s'agit, grosso
modo, du secteur où se trouvent implantés l'église paroissiale Saint-Pierre et
son cimetière. La plupart des habitations devaient être construites en bois et
en torchis.
À partir de l'an 710 et pendant tout le Moyen Âge, le mont
fut couramment surnommé par les clercs « mont Saint-Michel au péril de la mer »
(Mons Sancti Michaeli in periculo mari).
Le Mont était rattaché depuis la formation des
circonscriptions ecclésiastiques au diocèse d'Avranches, en Neustrie, ce qui
reflétait vraisemblablement une situation antérieure, c'est-à-dire
l'appartenance du Mont au territoire des Abrincates, membres de la
confédération armoricaine, sur lequel va se plaquer le cadre administratif
romain, puis le cadre religieux chrétien, conformément à un processus observé
ailleurs dans la future Normandie et au-delà.
En 867, le traité de Compiègne attribua le Cotentin, ainsi
que l'Avranchin (bien que ça ne soit pas clairement stipulé), au roi de
Bretagne, Salomon. L'Avranchin, tout comme le Cotentin, ne faisaient donc pas
partie du territoire neustrien concédé au chef viking Rollon en 911. Le mont
Saint-Michel restait breton, bien que toujours attaché au diocèse d'Avranches,
lui-même dans l'antique province ecclésiastique de Rouen, dont la ville
principale était aussi devenue capitale de la nouvelle Normandie. Il l'était
encore en 933 lorsque Guillaume Ier de Normandie, dit Guillaume Longue Épée, «
obtint du roi de France un agrandissement notable de son territoire, avec le
Cotentin et l'Avranchin, jusqu'alors contrôlés par les Bretons. C'est donc à
cette date que le Mont est officiellement rattaché à la Normandie »21, la
frontière politique de l'Avranchin se fixant transitoirement sur la Sélune, fleuve
côtier qui se jetait à l'est du Mont. Guillaume Longue Épée fit d'importants
dons de terres à la communauté des chanoines montais, ces domaines étant
presque tous situés entre le Couesnon et la Sélune18.
Richard Ier de Normandie, fils de Guillaume Longue Épée, eut
à cœur de poursuivre l’œuvre de réforme monastique de son père et il ordonna
aux chanoines à qui le Mont avait été confié de renoncer à leur vie dissolue ou
de quitter les lieux. Tous partirent sauf un, Durand, qui se réforma par amour
pour l'archange. C'est ainsi que s'y établirent en 966 des bénédictins issus de
différentes abbayes telles, sans doute, Saint-Taurin d'Évreux et
Saint-Wandrille. L'histoire de cette fondation est relatée dans l'Introductio
monachorum, qui figure au début du Cartulaire du Mont-Saint-Michel. Le premier
abbé fut Mainard Ier. Une tradition bien établie veut qu'il s'agisse du
réformateur Mainard, chargé de restaurer l'abbaye de Saint-Wandrille mais cette
hypothèse reste controversée. C'est lui qui aurait fait édifier l'église
préromane appelée Notre-Dame-sous-Terre, construite à cette même période21. Son
neveu, Mainard II, lui succéda jusqu'en 1009, qui était aussi abbé de Redon. «
À cette époque, le Mont scelle la bonne entente entre les deux ducs, de
Normandie et de Bretagne »21.
Pendant le premier quart du XIe siècle, les bonnes relations
perdurent entre les moines du Mont et les ducs, sous les abbés Hildebert Ier
(1009-1017) puis Hildebert II (1017-1023). Mais elles se gâtent lorsque le duc
normand Richard II , qui protégeait l'abbaye à l'instar de son père, décide de
remplacer l'abbé montois par un abbé extérieur et réformateur, d'abord le
Romain Supo puis le Bourguignon Thierry, déjà abbé de l'abbaye de Jumièges et
gardien de l'abbaye de Bernay, alors dépendance de l'abbaye de Fécamp21.
Le nouveau duc Robert Ier de Normandie, dit Robert le
Magnifique, nomma en 1027 un abbé d'origine mancelle, Aumode, à qui il confia
en 1032 sa nouvelle fondation, l'abbaye de Cerisy. L'abbé Supo fut donc rappelé
et dirigea l'abbaye montoise jusqu'à sa retraite à l'abbaye de Fruttuaria avant
1048.
Le duc Guillaume le Conquérant s’intéressa de près aux
successions abbatiales et octroya des bénéfices, tant temporels que spirituels,
à l'abbaye du Mont qui avait soutenu financièrement la conquête de
l'Angleterre. Ainsi, certains moines montois furent appelés à diriger des
abbayes anglaises. Grâce aux revenus des terres et prieurés octroyés par le
duc, l'abbatiale romane fut rapidement achevée. A la mort du Conquérant, le
Mont traversa une période trouble mais grâce à l'excellente administration de
ses abbés, notamment Bernard du Bec, l'abbaye connut un grand développement
intellectuel. Elle échappa, en août 1138, au grand incendie que déclenchèrent
les habitants d'Avranches et qui ravagea le village montois, à la suite d'un
désaccord avec les moines sur la succession d'Henri Ier Beauclerc22.
En 1009, le duc de Normandie décide d'exercer un contrôle
direct sur l'abbaye du Mont-Saint-Michel et l'abbé Maynard Ier, issu de la
communauté de Saint-Wandrille, est évincé et doit se replier à l'abbaye
Saint-Sauveur de Redon.[réf. nécessaire] pour être remplacé par l'abbé
Hildebert Ier, préféré par Richard II.
Profitant de la Régence d'Havoise de Normandie, sa sœur, sur
la Bretagne et de l'agression du chef viking Olaf sur Dol-de-Bretagne en 1014,
le duc Richard II de Normandie repousse vers 1027-1030 la frontière avec la
Bretagne de la Sélune au Couesnon[réf. nécessaire].
En 1030, Alain III de Bretagne, duc de Bretagne, entre en
conflit avec son cousin, le duc Robert Ier de Normandie fils de Richard II.
C'est la toute puissance de Robert "le Magnifique" qui a dans son
duché de Normandie, solidement rétabli le pouvoir ducal23. C'est dans cette
optique d'hégémonie qu'il demande à son cousin Alain III de lui prêter un
serment de fidélité23. Celui-ci refuse et résolut le duc de Normandie
d'utiliser la force. Après la construction d'une forteresse, celle de Cheruel,
le duc de Normandie lance une expédition en Bretagne23. Alain riposte en
lançant une contre-offensive dans l'Avranchin, mais il est repoussé avec de
lourdes pertes. Leur oncle Robert le Danois, archevêque de Rouen, sert de
médiateur lors d'une entrevue au Mont-Saint-Michel23. En 1031, Alain et son
frère Eon de Penthièvre font une donation au Mont-Saint-Michel.
L'histoire et la légende se brouillent à cette date. Les
textes de l'époque ne précisent pas le sort du mont Saint-Michel, mais son
rattachement à la Normandie est attesté quelques décennies plus tard, et il est
déjà effectif depuis longtemps lorsque les Bretons de Guy de Thouars incendient
le Mont en avril 1204.
Or, une légende affirme que le Couesnon, lors d'une de ses
fréquentes divagations, se serait mis à déboucher à l’ouest du Mont, faisant
ainsi passer ce dernier en Normandie[réf. nécessaire]. Si cette légende est
exacte, le Mont aurait été situé à l'ouest du Couesnon en 1009 et la divagation
du Couesnon se situerait quelques décennies plus tard. Si elle est fausse, le
Couesnon se jetait déjà à l'ouest du mont Saint-Michel en 1009.
Quoi qu'il en soit, le Mont-Saint-Michel aura été breton de
867 à 1009, de manière géopolitique, sans jamais avoir été intégré à
l'archidiocèse de Dol, de même, la fondation d'un collège de chanoine par
l'évêque d'Avranches dès le VIIe siècle, le choix de saint Michel comme saint
protecteur de l'empire par Charlemagne, puis les donations de Rollon pour
restaurer la collégiale et enfin sa conversion en abbaye bénédictine en 966 par
une communauté de moines issue des abbayes de Saint-Wandrille, de Jumièges et
de Saint-Taurin d'Évreux, toutes situées en Normandie, indiquent clairement
l'appartenance permanente du Mont à la sphère d'influence de l'église franque
puis normande, distinctes de l'église bretonne, ce qui rend la question de la
localisation géographique exacte plutôt secondaire. La limite officielle entre
la Bretagne et la Normandie est désormais fixée indépendamment de la
localisation d'un cours d'eau – et précisément à 4 km à l’ouest, au pied du
massif de Saint-Broladre.
Il faut noter que l'hypothèse d'une divagation importante du
Couesnon est parfaitement cohérente et vraisemblable, tant les lits des cours
d'eau pouvaient varier, en l'absence de toute canalisation – et parfois de
plusieurs dizaines de kilomètres. Le fait que l’embouchure du Couesnon se
trouvait à 6 km du rocher au XVIIIe siècle n'apporte aucune information sur sa
position au fil des siècles précédents – la topographie rend même inévitable
qu'il ait bougé régulièrement. En revanche, aucun texte n'atteste qu'il ait
basculé d'un côté du mont Saint-Michel à l'autre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mont-Saint-Michel